Naïveté confondante ou rentrée politique en trompe l’oeil?
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Illuminée par la grâce estivale, Natacha Bouchart se rend enfin compte que supprimer un abri précaire ne fait pas disparaître ses occupants et se déclare tout à coup favorable à la création d’un centre d’hébergement de 400 places pour les migrants à Calais.

Ce revirement spectaculaire intervient juste quelques mois après qu’elle ait siphonné les voix du Front National sur ce thème lors de la campagne des élections municipales à grands renforts d’appel à la délation, de diabolisation des soutiens aux migrants, d’interdiction de festival solidaire, d’évacuation de squats de bâtiments abandonnés et de destruction des campements de fortune au bulldozer…

Que de temps perdu pour les migrants et pour les Calaisiens mais quelle leçon d’opportunisme politique!

Espérons que ce retour à la raison permettra d’avancer sur le plan de la dignité humaine et qu’il ne s’agisse pas là d’un simple écran de fumée destiné pour Madame Bouchart à masquer, lors de cette rentrée, l’indigence dans la réalisation de ses promesses de campagne.

En effet, avec « Spyland » et ses « 5000 emplois » désormais coulé et remplacé par un « Calais Park » sans aucune crédibilité, la zone de la Turquerie sans implantation logistique en vue malgré les effets d’annonce et les permis de construire délivrés, un projet de palais des congrès aberrant et son centre ville à l’agonie… Calais ne se relève pas vraiment en cet été 2014…

Cette méthode qui vise à amuser la galerie en tourbillonnant sans cesse quitte à dire aujourd’hui le contraire de ce que l’on prônait hier rappelle furieusement l’attitude d’un ancien Ministre de l’Intérieur devenu ensuite Président de la République qui avait déjà réglé « définitivement » le problème des migrants à Calais en fermant le centre d’hébergement de Sangatte sous les applaudissements de Madame Bouchart.

Les arguments d’alors étaient qu’un tel centre n’était pas gérable à cette échelle…

Il est regrettable que par dogmatisme et opportunisme politique Madame Bouchart refuse d’accompagner les initiatives d’implantation de petites structures spontanées dans la ville au sein de bâtiments aujourd’hui abandonnés appartenant à l’OPH. Avec un encadrement juridique et technique approprié et un accompagnement adapté, cela coûterait moins cher au contribuable, résoudrait mieux le problème d’hébergement, générerait des retombées économiques, favoriserait l’intégration et les échanges avec la population et éviterait les conflits et la promiscuité qui sont inévitables au sein d’une grosse structure.

Car il faut savoir se placer sur le long terme. La présence des migrants à Calais n’est pas un phénomène conjoncturel. La démographie en Afrique, les conflits au Moyen-Orient et le changement climatique qui menace les ressources alimentaires et en eau disponibles dans ces pays alimentent durablement les flux migratoires et à ceux qui ont la naïveté de penser que l’on arrête de tels flux avec quelques douaniers supplémentaires, rappelons que ni la ligne Maginot, ni le mur de l’Atlantique n’auront servi à grand chose en leur temps…

Alors bien sûr il faut revoir les traités, bien sûr il faut des politiques cohérentes au sein de l’Union Européenne… mais il faut aussi accepter les réalités et agir au niveau local dans une perspective cohérente sur le long terme.

La proposition du centre Jules Ferry est (enfin) une avancée qui permettra de répondre à une première urgence…espérons qu’elle ouvre la voie à un dialogue apaisé, constructif et durable pour une politique locale d’accompagnement des migrants intelligente, ouverte et respectueuse de tous.

Espérons que nous évoluerons vers une politique qui vise à apaiser la situation et à considérer que ce phénomène qui s’impose à nous peut aussi être une source d’enrichissement social, culturel voire économique sur le long terme pour Calais.

Christophe Duffy Europe-Ecologie-Les-Verts

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